Craignant un conflit frontal avec la Turquie, l’Egypte tempère son appui à son allié libyen et pourrait se ranger derrière le président du Parlement, Aguila Salah Issa.

Longtemps inconditionnel, le soutien d’Abdelfattah al-Sissi à l’homme fort de l’Est libyen, Khalifa Haftar, chancelle. Si le raïs égyptien multiplie toujours les signes d’assistance à son poulain, il se cherche parallèlement une porte de sortie diplomatique et politique.

Gesticulations militaires et Pax Americana

Le 19 août, Khalifa Haftar a ainsi reçu en grande pompe dans son fief de Rajma la visite du patron du Moukhabarat al-Harbeya (renseignement militaire égyptien), Khaled Majawar, accompagné selon nos sources du commandant opérationnel de l’Egyptian Air Force (EAF), Usama Faraj. Ceux-ci ont pu accorder leurs violons avec le chef d’état-major libyen, Abderrazak Nadhouri, et son chef de l’aviation, Sakr al-Jarouchi, sur la réponse à adopter en cas d’offensive sur Syrte du gouvernement d’union nationale (GUN) tripolitain et de ses alliés misratis.

Mais, pratiquement au même moment, Abdefattah al-Sissi s’alignait totalement sur la demande de l’administration Trump aux deux camps libyens de parvenir rapidement à un cessez-le-feu. Ce coup de pression américain a abouti, le 21 août, aux annonces concomitantes de cessez-le-feu par le chef du GUN, Fayez Sarraj, et par le président de la Chambre des représentants de l’Est libyen, Aguila Salah Issa. Khalifa Haftar s’est toutefois démarqué de cet accord, dénoncé par son porte-parole Ahmed al-Mismari.

Aguila Salah Issa, joker de fin de partie ?

Or, Abdefattah al-Sissi veut éviter à tout prix un affrontement direct avec la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, dont l’appui militaire a permis au GUN de reprendre le contrôle de toute la Tripolitaine à partir de mai. Par ailleurs, alors que l’économie égyptienne souffre des conséquences de la pandémie de Covid-19, il aimerait voir les quelque deux millions d’Egyptiens qui travaillaient en Libye du temps de Mouammar Kadhafi regagner ce pays.

Dans ce contexte, l’Egypte pourrait favoriser une entente entre Aguila Salah Issa et le ministre de l’intérieur et de la défense Fathi Bachagha, l’homme fort du GUN et poids lourd misrati. Ce dernier a d’ailleurs qualifié l’Egypte de « nation sœur » après l’annonce du cessez-le-feu. Abdefattah al-Sissi devra toutefois convaincre le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohamed bin Zayed al-Nahyan (MbZ), qui reste partisan de Khalifa Haftar et de l’option militaire.

Tchadanthropus-tribune avec la Lettre du Continent

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