Page d’histoire. Le dossier sur le coup d’état militaire du 13 avril 1975.

Les Signes précurseurs de cette action militaire

Le 30 Mars 1975, les dépôts des munitions de la compagnie Tchadienne de Sécurité (C.T.S) de N’Djamena sont incendiés.

Le 1er Avril 1975, les dépôts des munitions de la C.T.S de Sarh sont aussi incendiés.

Dans la nuit du 3 au 4 Avril 1975, les Sous-Officiers français à savoir : l’Adjudant-Chef Gelinon Albert, Chef de la Brigade Spéciale d’Intervention de la Gendarmerie (B.S.I.G), ses Collaborateurs Messieurs Rocard et Levasseur ont été victimes d’un attentat causé par une arme à feu dont l’auteur est le lycéen Youssouf Togoïmi se trouvant en détention dans cette institution militaire.

C’est avec l’arme de marque PM du gendarme Ali Adoum en permanence ce jour qu’il a mené cette opération. Pour plus de détails : Ali Adoum est de l’ethnie Gorane originaire de Rig-Rig Nord Kanem et Youssouf Togoïmi est aussi Gorane originaire du Tibesti.

Bref, suite à cet incident malheureux, le Président Tombalbaye accompagné de ses Sbires de la C.T.S, débarque nuitamment à la Gendarmerie Nationale et procède aux arrestations du Colonel Djimet Mamari NGakinar, commandant de la Gendarmerie Nationale, de son adjoint le Commandant Kotiga Guérina Alphonse et le General Negue Djogo Gatougo Chef de Cabinet Militaire à la Présidence de la République.

La R.N.T, cette officine de mensonges déverse ses diatribes et lynchage médiatique contre ses Officiers Supérieurs arrêtés et l’apologie de la bravoure du Président qui a arrêtés ces Officiers.

Le 8 Avril, deux discours injurieux sont adressés par le Président contre l’armée. Voici quelques extraits :

« Ce n’est pas parce qu’un coup d’État militaire a réussi dans tel ou tel pays d’Afrique, qu’un coup d’État militaire va réussir au Tchad » ; « Notre Armée, véritable État dans l’État, se comporte fréquemment sur notre sol comme en pays conquis. Elle se conduit comme une Armée d’occupation… » ;

« Nos populations se plaignent amèrement des brimades, des vols, des actions dont elles sont victimes du fait de notre armée… » ;

« Armée Tchadienne offre un désolant spectacle d’inefficacité et de mauvais esprit tandis que trop des Chefs craignent des révélations qui pourraient être faites sur leur comportement. » ;

« C’est par le haut que doit commencer la métamorphose… » ;

« Nous allons réorganiser l’Armée et la Gendarmerie… » ;

« La Gendarmerie n’est pas une gendarmerie des Sara-Kaba. »

Après ces deux discours malveillants, N’Garta Tombalbaye et son homologue le Président Mokhtar Ould Dada de la Mauritanie se rendent le 10 Avril au Cameroun pour aller fêter la réélection du Président Ahmadou Ahidjo.

Cette date du 10 Avril fut, selon Jeune Afrique, le début de l’Opération ‘’Suicide’’ des ‘’Para commando’’ et des premiers mouvements vers la capitale des troupes venant d’Amtiman, Mongo, Borko, Loumia et Bongor. Ces forces sont dirigées par les Capitaines Togui Teddy et Djimtoloum Maïmos, les Lieutenants Maldoum Bada Abbas, Dila de la compara 4 de Mongo et de l’Officier des renseignements de Mongo Bernard Daoundingadé.

Parallèlement à ces déplacements, sur place à N’Djamena, les départs pour Kalgoua se poursuivaient ardemment, car la date pour la fin des travaux de défrichements est fixée pour le 15 Avril. L’objectif fixé par le gouvernement est la production de 750.000 tonnes de coton.

Comme coup médiatique, Moalbaye, aidé du canard déchainé, poursuivait à la Radio, ses interventions au vitriol contre l’Armée.

Le Chef d’escadron Vidal Kamougué avait aussi effectué en date du 10 Avril une ‘’tournée des popotes’’ en avion, qui le conduisit à Amtiman, Mongo et Bokoro.

Le 12 Avril 1975, Monsieur Hissein Habré Président du Conseil de Commandement des Forces Armées du Nord (C.C.F.A.N) annonce aux Négociateurs français Messieurs Puissant et Estrade la mort du Commandant Pierre Galopin exécuté le 4 Avril 1975 au Tibesti. Ce dernier aurait révélé au Ravisseur de Madame Claustre l’identité de l’assassin du Docteur Outel Bono, assassiné le 26 Août 1973 à Paris par un certain Léon Hardy, ancien garde du corps du Président Bokassa de la R.C.A et ami du commandant Camille Gourvennec (Chef de la Police politique et Conseiller Spécial du Président Tombalbaye).

Le 13 Avril 1975 fut la date fatidique, date à laquelle l’acte du décès de N’Garta Tombalbaye fut signé. 

VOYONS LE FILM DE CES EVENEMENTS TRAGIQUES.

  • 5h 30 : Début des explosions (rafales d’armes automatiques et explosions d’obus) ;
  • 6H 30 : la R.N.T interrompt ses émissions au moment de donner les nouvelles, l’électricité est coupée. Aucune information sur les Évènements. Une hypothèse peu plausible est mise : ce sont des affrontements avec des rebelles près de la capitale.

Puis on parle d’autres choses : les gendarmes et les soldats de l’A.N. T veulent récupérer leurs chefs emprisonnés. Enfin on apprend que les combats opposeraient d’un côté la C.T.S de Tombalbaye et de l’autre côté l’A.N. T et les gendarmes, le Camp de la C.T.S est cerné.

  • 8H 00 : France Inter annonce qu’un Putsch a éclaté à N’Djamena, et l’Ambassadeur Touze dit dans une interview radiodiffusée que les « Ressortissants français seront protégés. »
  • 9H : Explosion et mitraillages cessent peu à peu.
  • 10H : France Inter annonce que Tombalbaye est tué.

10H 30 : Reprise des Émissions de la Radio, musique militaire entrecoupée du premier communiqué du General Odingar : « Les forces armées ont pris leurs responsabilités devant Dieu de la Nation. La Sécurité et les Intérêts étrangers seront garantis.

La Garde National, la Police, la C.T.S et toutes les forces paramilitaires doivent regagner leurs casernes. » « Je demande aux forces françaises de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures tchadienne ».

D’autres communiqués du General annonceront :

  1. Les Membres du conseil exécutif, les Ministres, les Membres du parlement et du conseil économique et social sont convoqués à 16H, au Stade de l’hippodrome où leur sécurité sera garantie. Cette convocation sera reportée.
  2. Les généraux Malloum et Djogo ainsi que le Colonel Djimet et le Commandant Kotiga sont libérés

-11H 30 : L’électricité est rétablie. Un communiqué demande aux Infirmiers et Infirmières de se rendre à l’hôpital, et à la population de bien vouloir donner du sang.

-15H : Un autre communiqué annonce que Tombalbaye a succombé à ses blessures malgré les soins qui lui ont été prodigués pour le conserver en vie.

-17H 20 : Appel du Colonel Saleh Biani, commandant de la C.T.S sur les ondes : « Après m’être rendu aux Autorités militaires, j’invite les Unités de la C.T.S à se rallier »

-17H 40 : Une déclaration du général Odingar annonce la création du Groupe des Officiers des Forces Armées (Grofat) : les Forces armées ont été humiliées par l’injustice endémique du régime à son égard et les déclarations injurieuses depuis dix ans, malgré les lourds sacrifices qu’elles ont consentis.

Le General Felix Malloum en prison depuis 658 jours avait maigri de 20 Kg. Le Commandant Kotiga Guérina trouvé baignant dans le sang, après avoir été torturé par Tombalbaye et la Police dans la nuit du 12 au 13 Avril, est transporté à l’hôpital de N’Djamena.

Du marasme économique, le General Odingar dit ici : « La discrimination sociale a entrainé les effusions inutiles de sang et une animosité entre les Tchadiens. L’adage :’’diviser pour régner’’ était le principe fondamental du régime pour toutes ces raisons :

  1. La Constitution est suspendue ;
  2. Le Mouvement National pour la Révolution Culturelle et Sociale est supprimé ;
  3. Le Conseil Exécutif et le Gouvernement sont dissous ;
  4. Les Engagements internationaux sont maintenus ;
  5. Il est demandé aux Représentants diplomatiques de rester à leurs postes ;
  6. Les Diplomates Tchadiens en poste à l’Étranger restent à leurs postes
  7. Il est ordonné aux Chefs de Services administratifs et traditionnels de rester à leur poste.

D’autres communiqués sont diffusés par le GROFAT. Les Gardes Nationaux doivent rejoindre leurs campements avant le coucher du soleil.

Pour le Général Odingar : « Les Forces armées doivent recevoir tous les Éléments militaires et Paramilitaires : (C.T. S, G.N. N. T, Police, Douanes, Eaux et Forêts) qui se rallient, et il ne doit leur être fait aucun mal. »

Le Commandant Gourvennec de son côté aussi appelle au ralliement des Gardes Nationaux.

COMMENTAIRS SUR CETTE JOURNEE :

Parmi les bruits qui circulaient, il était difficile de se faire une idée précise (exemple : Tombalbaye se serait réfugié au 6e RIAOM. Saleh Biani se serait enfui, etc.)

L’ATTAQUE DE LA CITE DU 28 NOVEMBRE :

Les combats : une première attaque de l’armée aurait été repoussée par les C.T.S. Une deuxième attaque avec des renforts, couverte par la Gendarmerie, lui aurait permis d’enfoncer la C.T.S. La bataille fut assez dure (fusils, mitrailleuses, mortier) et tournant à l’avantage des militaires, certainement à cause de l’isolement de la cité du 28 Novembre et du camp de la C.T.S par rapport à la ville. Les vrais affrontements auraient duré une demi-heure à une heure.

Au camp de la C.T.S, il y a eu une centaine d’hommes et une trentaine auprès de Tombalbaye selon la gazette (Journal Camerounais) du 15 Avril 1975.

La responsabilité principale de la préparation du Coup d’État était attribuée au Commandant Vidal Kamougué qui, avec son grade de Chef d’escadron, avait l’autorité dans l’armée comme dans la Gendarmerie, et avait depuis longtemps établi les meilleurs contacts avec les Unités à l’intérieur du pays.

Quelques jours auparavant, notamment depuis jeudi soir, date du départ de Tombalbaye au Cameroun. Il serait allé en avion militaire chercher les Unités d’Amtiman, Bongor et Mongo.

Selon les journaux le Monde et la Gazette du 13 Avril, l’initiative du Coup d’État serait venue du Capitaine Djimtoloum Maïmos.

Ce dernier entretenait de bons rapports à Kamougué. L’A.N. T pense cueillir Tombalbaye à sa descente d’avion, le 12 Avril, s’il était revenu seul, mais la présence du Président Mauritanien lui avait accordé quelques heures de répit. 

L’ASSAUT :

Les premières forces attaquantes seraient arrivées dans la nuit. Djimtoloum aurait donné l’assaut comme la Présidence avec ses Para commandos, écrasant garde personnelle et la C.T.S en faction, avant d’arriver à Tombalbaye.

Pendant ce temps, d’autres forces attaquaient le camp de la C.T.S à 1 km de là. Après le premier assaut des forces de Bokoro et Mongo, Kamougué serait allé chercher dans leurs campements respectifs de N’Djamena, l’armée et la gendarmerie pour l’attaque décisive. Le Général Odingar était intervenu au plus fort de la bataille en se ralliant au commando selon l’A.F.P.

Les heures qui précédèrent : lorsque les premières troupes étaient arrivées de Massaguet, elles furent bloquées par la C.T.S (où est votre mandat ?) ces troupes auraient abattues ces C.T.S.

Kamougué pour sa part, les aurait rejoints et aurait manifesté un certain pessimisme. En tout état de cause, pendant la nuit, la rive gauche du Chari aurait été occupée et tout était en place pour l’attaque à cinq heures.

Tombalbaye de son côté était rentré dans l’après-midi du Cameroun et aurait passé la nuit dans les quartiers et serait rentré se coucher à 5 heures du matin, après avoir passé un quart d’heure dans la maison de l’une de ses femmes. Sur son comportement au moment de l’attaque’ il y a plusieurs versions : en entendant les premiers coups de feu, il commença à sortir des dossiers pour les emporter ; ce fut alors qu’une mitraillette non chargée fut braquée dans son dos. Tombalbaye se jeta alors sur son assaillant et tomba ; celui-ci lui demanda alors de se calmer et chargea sa mitraillette, Tombalbaye se lança de nouveau et une balle l’atteignit alors à la tête. (A.F.P du 19 Avril : « tué d’une balle à la nuque alors qu’il essayait d’échapper aux militaires qui tentaient de le ceinturer pour le prendre vivant. »)

  1. Variantes de cette première version : il lui avait été demandé de signer un papier de reddition. Après que la première balle l’eut atteint, plusieurs commandos lui tirèrent dessus l’un après l’autre.
  2. D’après Jeune Afrique du 9 Mai, « refugié au sous-sol, il a été poursuivi et abattu puis achevé dans la cour », après avoir mordu un militaire qui le poursuivait.
  3. Lorsqu’il entendit les coups de feu, Tombalbaye sortit de sa Villa et alla au-devant des Assaillants. Variantes : il aurait alors été tué par une balle perdue, on le voulait vivant…au cours d’un corps à corps.

Ainsi, Tombalbaye serait mort dans la première heure des combats, on parle même du premier quart d’heure : à 5H 15.

Cette version parait vraisemblable, car le Président N’Garta Tombalbaye avait dit dans son discours du 24 Juin 1973 relatif à l’arrestation du Général Felix Malloum Comme chef de l’A.N. T qu’il n’était pas un homme à accepter qu’on lui mette les menottes aux poignets, ni des chaines aux pieds.

« Je suis prêt à prendre ma Croix comme Jésus-Christ ». Paroles prophétiques, car Tombalbaye s’était défendu à mains nues contre ces ânes en uniforme qui ont raccourci lâchement sa vie à l’âge de 56 ans.

Il était homme à nourrir debout, il n’était plus grand mort que vivant. Comme tout être humain, il n’était pas sans reproche, il avait commis des fautes, des crimes. Mais il fut un patriote plein d’atouts, il demeurera le père de la Nation. Jusqu’à sa mort, il avait sauvegardé l’essentiel, l’histoire le reconnaitra.

Al Hadj Garondé Djarma

Tel : (+235) 66 54 51 95

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