Dans son numéro 2779 du 13 au 19 avril 2014, Jeune Afrique a publié un spécial 30 pages consacré au Tchad pour célébrer « la métamorphose » physique et politique « d’un pays en pleine phase de décollage économique » (François Soudan) grâce aux revenus pétroliers. Une série d’articles et d’interview, noyés dans une vingtaine d’encarts publicitaires vantant des travaux finis et des maquettes des futurs sièges de telle et telle autre institution, est censée présenter le nouveau visage de la capitale et au besoin appâter les plus récalcitrants des opposants armés qui refusent de suivre l’exemple d’Ahmat Hassaballah Soubiane.


Ce n’est pas la première fois que le magazine panafricain réserve un quart de son volume hebdomadaire à des publi-reportages généreusement payés par les gouvernements africains (sub-sahariens et maghrébins) tantôt pour rassurer les partenaires internationaux tantôt pour justifier des richesses détournées. Il n’est pas le seul.D’autres commencent à exploiter le filon, à l’exemple de l’illustre inconnu Pays Emergents (que personne ne lit à part ceux qui le financent), dont le n°1 est entièrement consacré au Tchad. Il continue à recevoir d’énormes commandes publicitaires de la part des autorités tchadiennes. Ce magazine est d’ailleurs le premier à avoir publié un hors-série sur « les métamorphoses du pays de Toumaï », titre que Jeune Afrique a repris à son compte.


Mais ces médias ont peut-être oublié que l’époque où les gouvernements sont les seuls détenteurs de la vérité, distribuée avec parcimonie si bon semble au souverain, est définitivement révolue. Le gouvernement tchadien, qui a l’habitude de dire plus qu’il n’en fait, ne saurait sérieusement croire qu’il peut fasciner les citoyens avec le concours des hypnotiseurs de la presse.


Même s’il convient de reconnaître que dans son publi-reportage Jeune Afrique s’est imposé une relative objectivité, il reste qu’il a multiplié des analyses hasardeuses pour essayer de faire admettre que malgré tout le pays va merveilleusement bien grâce aux revenus pétroliers. L’idée même de "métamorphose" renferme en elle la volonté de faire croire à une évolution positive. 


C’était néanmoins compter sans le rapport des services du FMI sur les consultations de 2013 publié en avril 2014 qui contredit nombre d’analyses sur les mêmes points traités par Jeune Afrique.


Nous avons choisi ici quelques paragraphes qui remettent totalement en cause tout ce que les médias grassement payés ont pu écrire sur le Tchad depuis quelques années.

 

©Tchadoscopie

 

Extrait du rapport de FMI (février et avril 2014)

« Le Tchad est un pays fragile dont les institutions et la capacité d’action sont faibles. Ses recettes pétrolières sont appelées à diminuer (à moins que de nouveaux gisements ne soient découverts) et il est vulnérable aux chocs liés aux cours du pétrole et à une dégradation de la sécurité régionale » (page 2).

[…]

« La forte instabilité et l’inefficience des dépenses publiques ont fortement limité les effets positifs de ces dépenses sur les indicateurs de développement. Le Tchad n’a pas bien géré l’instabilité des recettes pétrolières : cela s’est traduit par des à-coups dans les dépenses publiques consacrées aux projets d’infrastructures, et les coûts unitaires de construction ont été largement supérieurs à la moyenne régionale. En outre, les ressources publiques n’ont pas bénéficié aux populations pauvres au Tchad (par exemple, le quintile le plus pauvre n’a reçu que 6 pour cent du total des dépenses de santé publique, contre 46,5 pour cent pour le quintile le plus riche). Par ailleurs, l’efficacité et l’impact des dépenses publiques ont été entravés par des crédits budgétaires inadéquats visant à répondre aux besoins de dépenses récurrentes résultant de l’augmentation du stock de biens d’équipement. En conséquence, de nombreuses infrastructures publiques ne sont pas opérationnelles et ne peuvent fournir des services d’éducation et de santé à ceux qui en ont besoin » (p. 59).


« Selon divers indicateurs du climat des affaires et de la compétitivité, le Tchad affiche des résultats médiocres par rapport aux pays comparables. Le Tchad obtient la note la plus basse dans presque toutes les catégories des indicateurs de la Banque mondiale concernant la pratique des affaires et la gouvernance (graphiques 3a et 3b). En outre, l’indice de transparence de la Banque mondiale classe le Tchad à un niveau très bas à cet égard. La publication du livre blanc du Conseil national des employeurs du Tchad a constitué une étape importante vers l’amélioration du climat des affaires. Mais peu de progrès ont été accomplis pour mettre en œuvre les recommandations de ce livre blanc » (p. 62).


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