Vue du désert au Tchad, le massif d’Ennedi, la région d’Ounianga Kébir, le lac Yoan.

AFP / BRUNO BARBIER

Par Siegfried Forster

Au Tchad, on trouve parmi les plus belles régions sahariennes comme l’Ennedi, le « désert vivant » au Nord. Un autre joyau tchadien, les Lacs Ounianga, situé à 1 300 km au nord de la capitale Ndjamena, est candidat à l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial. Le comité de l’Unesco se réunit à partir de ce 24 juin jusqu’au 6 juillet à Saint-Pétersbourg en Russie pour décider qui parmi les 33 nouveaux sites en lice – dont 5 sites africains- peut rejoindre la prestigieuse liste des « valeurs universelles exceptionnelles ». Entretien avec Dr Baba Mallah, directeur général du centre national d’appui à la recherche (CNAR) au Tchad qui suit le projet des Lacs Ounianga depuis dix ans.

RFI : Le Tchad souhaite que les Lacs Ounianga entrent dans le Patrimoine mondial de l’Unesco. Quelles sont les chances de réussite ?

Baba Mallah : Je crois fortement que les Lacs Ounianga vont être inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Nous avons fait des études scientifiques et des analyses comparatives avec d’autres lacs se trouvant dans des zones similaires. Nous avons pu mettre en évidence que nous avons ici des valeurs universelles exceptionnelles.
 
RFI : En quoi ce site de lacs est-il unique au monde ? 
 
B.M. : D’abord, les lacs ont une structure géologique unique et une histoire climatologique sans précédente. Nous avons prélevé des carottes sédimentaires de 16 mètres de profondeur qui nous donnent des informations les plus détaillées, les plus complètes connues aujourd’hui en climatologie. Avec ces informations, nous pouvons reconstituer les environnements, les climats et, avec des modélisations mathématiques, dans l’avenir peut-être aussi comprendre comment le climat peut changer tant au niveau local qu’au niveau mondial.
 
RFI : Le site Ounianga comprend une cinquantaine de lacs. Entre autres le lac d’Ounianga Kébir qui possède la plus grande évaporation de par le monde. Un lac nourri exclusivement par la nappe phréatique fossile. Ce sont ces superlatives qui mériterait d’entrer dans le Patrimoine mondial ? 
 
B.M. : Le lac d’Ounianga Kébir, ce sont 18 petits lacs. Le plus grand s’appelle le lac Yoan qui a une profondeur de 27 mètres. Il est le plus profond des lacs connus aujourd’hui dans le désert. Quand on parle du désert, on ne parle pas uniquement de déserts chauds, il y a aussi des déserts froids ou des déserts comme le désert Gobi avec des saisons froides et chaudes.
De l’autre côté, on a un autre lac qui est aussi particulier, malgré la très forte évaporation d’eau. Le lac Boukkou fait partie des lacs Ounianga. Il est le plus grand lac d’eau douce dans le désert connu aujourd’hui.
 
RFI : Jusqu’à ce jour, le Tchad n’a pas de site qui figure sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Est-ce qu’il s’agit d’une négligence de la part du Tchad ou une sorte de discrimination de la part de l’Unesco ? 
 

 

B.M. : Non, ce n’est pas une discrimination de la part de l’Unesco. L’Unesco nous a beaucoup soutenus dans le processus. Peut-être que nous, nous nous réveillons un peu tardivement. Mais là, nous allons continuer. Nous n’allons pas nous arrêter avec les Lacs Ounianga. La prochaine étape est une zone aussi exceptionnelle qui s’appelle la région d’Archeï, qui est aussi devenue une priorité du chef de l’Etat. Il faut sauver cette région et pour cela il faut l’inscrire aussi sur la liste du Patrimoine mondial.
 
RFI : Certains comparent l’inscription des sites dans le Patrimoine mondial avec une chasse à la poule aux œufs d’or. Quels bénéfices attendez-vous de l’inscription des Lacs Ounianga pour le Tchad ? 
 
B.M. : Nous nous attendons d’abord la préservation et la conservation de ces lacs pour les générations futures. Cela est très important pour nous. Avec la découverte de Toumaï, l’ancêtre des humains découvert au Tchad, nous sommes le berceau de l’humanité. Si nous avons des sites inscrits au patrimoine mondial, nous pensons que ceci pourrait attirer à terme des touristes pour notre pays. Déjà aujourd’hui, il y a des gens qui viennent, qui aiment le désert, qui aiment voir les lacs dans le désert, cela aussi est un phénomène.

 

 

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