Le Tchad est un pays soumis à une dictature sans feuille de route depuis trois décennies. Depuis le fameux forum de février 2018, le dictateur Idriss DEBY-ITNO, s’est débarrassé des apparences : plus de primature, plus de pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale par l’Assemblée nationale, le pouvoir judiciaire regroupé au sein de la Cour suprême est devenu le prolongement du cabinet présidentiel, etc…

Il est donc normal que, dès qu’il attrape froid, l’ensemble des institutions soit atteint de grippe. A la mi-janvier, quand, après avoir répondu à la convocation du Président français à Pau, Deby entra en clinique pour dit-on une opération bénigne de la prostate, le pays a manqué de peu à basculer dans les violences :

Les enfants du Président, convaincus par leur géniteur que le pouvoir leur appartient et qu’il se conserve par le canon, s’organisaient ouvertement pour ne pas rater le coche ;

Les différents clans de l’armée s’organisaient chacun pour ne pas être le dindon de la farce ;

Les bruits de bottes émanant des mouvements politico-militaires se faisaient entendre aux quatre coins du territoire national ; chacun affûtait ses armes, se faisait plus présent en matière de communication.

La classe politique non armée (leaders politiques, responsables de la société civile, ceux de la diaspora), conscients que le verbe et la grammaire risquent de ne pas peser bien lourd, se grattaient la tête, tentaient fébrilement de partager leurs appréhensions.

Depuis lors, Les apparitions furtives du dictateur çà et là n’arrivaient pas à dissiper le sentiment que le pouvoir vacillait et pouvait s’effondrer d’un moment à l’autre, jusqu’à ce que Boko-haram fasse parler de lui dans la nuit du 23 au 24 mars à la presqu’île de Bohoma, puis, le coronavirus apparu en Chine, se propagea dans le monde entier.

Ces deux événements ont apporté la preuve de l’extrême fragilité des institutions de l’État et la précarité du pouvoir. On recommence à voir le pouvoir trentenaire de Deby, de sa famille et du MPS, céder. Des propositions de schémas sont formulées. Les uns pour rassembler le plus grand nombre pour battre le candidat alternatif de Deby à la présidentielle de 2021, les autres, ne croyant plus en la capacité du despote à tenir la barque jusqu’aux échéances électorales, pour proposer des formes d’une nouvelle transition démocratique, au constat que celle issue de la CNS a été une vaste supercherie. Et enfin Des déclarations tapageuses des initiés du palais et des articles furtivement publiés dans les réseaux sociaux entrent dans ce cadre.

Les acteurs majeurs sur la scène politique tchadienne lisent dans ces sites et constatent avec effroi des différents scénarios qui circulent. A la lecture, les observations suivantes s’imposent.

Sur la procédure :

 Les textes se veulent une invitation au débat, mais l’auteur ou les auteurs auraient exigé des blogueurs de rester anonyme ;

On parle d’accord sans indiquer quels en seront les parties prenantes et par quels mécanismes cet accord serait conclu (texte écrit d’avance et les parties prenantes seraient appelées à venir signer dans un pays tiers choisi par le despote, ou rencontres de type table-ronde, « dialogue », etc. ?)

 Sur le fond :

Les auteurs, en suggérant une transition, admettent implicitement que le pays est en crise, mais ne l’effleurent nullement, ni sa nature, ni ses causes, encore moins les responsabilités des uns et des autres.

 Les principaux partenaires de ce deal seraient le Parlement et l’opposition, le Président Intégral se tenant dans l’ombre pour tirer les ficelles et engranger les dividendes. On ne sait pas s’il s’agit de l’actuelle, élastique et illégitime III-ème législature dirigée par les plus grands voleurs avérés de la République; c’est aussi à se demander si en parlant d’opposition, l’auteur veut avaliser, valider l’imposture des hommes de main de Deby (le Secrétaire général du MPS, le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la Cour suprême) qui ont intronisé le Président de l’URD, véritable pantin qui fait la risée de la nation tchadienne toute entière, comme Chef de file de l’Opposition démocratique en violation flagrante de la loi. Il est clair que confier le destin de l’État et du pays à des personnages multirécidivistes dans la dilapidation des fonds publics, des personnages allergiques aux lois et règlements d’un État digne de ce nom, c’est assurément ôter tout espoir pour que le Tchad que nous chérissons sorte du gouffre où ces goinfres et apatrides l’ont plongé.

Nous avons cherché en vain des passages où on traiterait de la refonte des institutions et du rétablissement des équilibres entre les différents pouvoirs, alors que l’instauration de la IVème République a été l’œuvre la plus destructrice de toutes les avancées dans l’édification de la Nation tchadienne et la construction d’un État à même de soutenir les aspirations légitimes des vaillantes et laborieuses populations à la paix, à la liberté et à l’épanouissement culturel, économique et social.

En revanche, nous avons relevé la volonté de poursuivre l’œuvre de dilapidation des richesses nationales, de protection de tous les délinquants hissés dans les sommités. Tous ces parvenus, ces arrivistes, au lieu de répondre des torts qu’ils ont causés au pays et aux générations futures, devraient être blanchis de manière à narguer leurs victimes.

 Qu’il soit clair que les patriotes qui, depuis des décennies se battent au prix d’indescriptibles sacrifices, ne sauraient intégrer un tel schéma et/ou programme.

 Peut-on raisonnablement pardonner tous ces crimes de sang, crimes de guerre à connotations génocidaires sans que la vérité ne soit recherchée ?

Pas un mot sur les nombreux assassinats de (Maître Béhidi, Bisso Mamadou, Abbas Koty, Bichara NDigui, le jeune Brahim Selguet, Moïse Kétté, Laokein Bardé, Ibni Oumar Saleh,… ?) des hommes politiques et de la société civile!

Pas un mot sur les massacres collectifs des populations du Guéra, du Ouaddaï, du Logone oriental, du Lac?

Pas un mot sur les assassinats des prisonniers de guerre tels les récents meurtres de prétendus prisonniers Boko-haram?

Pas un mot sur le soutien militaire tout azimut qu’apporte la France au despote tchadien sans aucune contrepartie en matière de gestion ou respect des droits humains?

Pas un mot sur les sinistres prisons du régime dans l´ensemble du territoire où les prisonniers sont torturés de façon systématique et à mort avec des méthodes qui nous rappelle le tristement célèbre DDS du régime Habré?

Pas un mot sur la mainmise du clan et de ses affidés sur l’économie nationale à travers notamment les privatisations de grandes entreprises nationales et l’accaparement des directions des toutes les régies financières du pays.

Pas un mot sur les douanes, saignées à blanc par les neveux à peine majeurs du despote, qui se succèdent comme dans une entreprise familiale depuis près de trente ans ?

Pas un mot sur la dilapidation des revenus pétroliers par l’autocrate et ses lieutenants, ainsi que leurs familles, révélées les médias internationaux ?

Pas un mot sur les fonds placés dans les paradis fiscaux, pas un mot sur les biens mal acquis au Tchad, en Afrique, en Europe, aux Amériques, au Moyen-Orient, etc. ?

Non, nous ne sommes pas concernés par cet énième complot contre le peuple tchadien, plus particulièrement sa jeunesse.

On se souvient que notre Ex – Sultan – Général d´armée avait pris sa Canne et descendu vers le Lac dit-on en première ligne pour chasser Boko Haram. De retour, l’opinion a découvert un Gl -pour ne pas dire un robot- qui se tient à peine sur ses jambes. Cette image de Deby qui mimait pour se faire entendre, a été un choc pour toute la classe politique y compris ses partisans les plus zélés.

Selon des sources concordantes, le Général, au lieu de rassurer son opinion et faire semblant de raviver l’administration a tout simplement bluffé les N’djamenois en faisant croire qu’il se retirerait à Amdjeress pour un repos de laps de temps. Or, fuyant la pandémie comme un vulgaire citoyen oisif, il s’était bunkarisé comme un lapin dans une villa-bunker avec un sous-sol aménagé de haute technologie contiguë à la villa «  Burkina ». Un Chef d’Etat qui fuit la crise pandémique pendant que ses pairs à travers l’Afrique affrontent vaillamment la crise en plein milieu de leur peuple à visage découvert, est pareil à un Général qui fuit les combats pendant que ses militaires tiennent encore solidement les positions. En fait le Gl Deby s’était servi de l’expérience du Col Deby lors des combats contre le Gunt à Ounianga en 1983. Ce jour-là, le Col Deby a effectué un repli tactico-stratégique à plus de 40 KLM derrière ses lignes alors que le combat faisait rage entre les belligérants.

N’eut été la pression forte de l’opposition politique qui a considéré comme une gifle et une lâcheté manifeste à l’endroit du peuple tchadien, il se serait terré encore jusqu’à l’ultime conséquence !

Après ce tapage médiatique, il sort fébrilement sa tête de son trou comme un serpent apeuré et prétend prendre la tête d’un comité qui serait chargé de la gestion du Covid19 mais force est de constater que ni lui, ni son comité mis sur place et qui ressemble à un gouvernement bis, n’ont aucune conception de sortie de cette crise laissant ainsi la population s’enfoncer et sombrer dans la misère. Un véritable fiasco ahurissant ! Mais quel pays !

Non ! Idriss Deby ne pourrait plus continuer à diriger moins encore gérer le Pays ni directement ni par procuration comme le proposent les auteurs de la pétition suscité; Soit par une ultime sagesse il organise un vrai forum inclusif pour passer la main soit il sera dégagé comme il était arrivé. En un mot, pas de Deby sans Deby.

 Ahmat Mahamat
N’djaména- Gardolé

Tchadactuel

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