Si l’on n’y prend pas garde, le Tchad pourrait bientôt ne plus être cet « îlot de stabilité dans une région de crises » qu’il se fait fort de rester depuis des années.

Les signes d’un débordement de ces crises venant des pays voisins sont en effet perceptibles, aussi bien aux frontières qu’à l’intérieur du pays. Le placement en état d’urgence, le 20 août, de trois provinces – le Sila et le Ouaddaï, dans l’est du pays, et le Tibesti, dans le Nord –, traduit cette réalité que beaucoup redoutaient. Le 10 septembre, les députés ont prorogé pour quatre mois cet état d’urgence. La « digue » contre l’instabilité et le péril terroriste à laquelle Idriss Déby Itno comparait le Tchad risque de céder.

La digue Tchad risque de se fissurer sous le poids des charges qu’elle supporte depuis 2013, avec l’envoi de troupes au Mali. Depuis, d’autres crises ont éclaté, nécessitant de nouvelles interventions, avec d’autres contingents : Centrafrique, Cameroun, Nigeria, Libye… Des opérations qui ont chacune un coût humain et financier lourd pour le pays, confronté depuis 2014 à la chute des cours du brut, principale source de devises.

Démotivation des troupes

Depuis 2016, pour surmonter la crise financière, toutes les dépenses publiques ont été revues à la baisse, y compris les soldes des troupes. Un facteur de démotivation dans l’armée. Tant pour ceux des soldats restés en opération, sans discontinuer, depuis des années, que pour ceux qui, à leur retour, sont obligés de se serrer la ceinture et de grogner pour rentrer dans leurs droits (comme ce fut le cas des éléments du premier contingent tchadien au Mali).

Une démotivation que nombre d’observateurs ont soulignée, début février, au moment de l’avancée de la colonne des rebelles de l’Union des forces de la résistance de Timane Erdimi en direction de la capitale. C’est ce qui a d’ailleurs contraint le pouvoir à avoir recours à des frappes aériennes.

Approche inclusive

Les difficultés de cohabitation entre communautés, sur le plan intérieur, se manifestent désormais régulièrement à travers des affrontements, souvent avec des armes de guerre. Même si ces conflits ne sont pas nouveaux, ils ont pris de l’ampleur et tendent à atteindre une masse critique, parce que peu pris en compte et mal réglés par un système judiciaire unanimement décrié.

Au lieu de privilégier le tout-sécuritaire, N’Djamena gagnerait à privilégier une approche plus consensuelle et inclusive, pour calmer un mécontentement désormais très perceptible. Sinon la digue, au-delà des quelques fissures qui la craquellent, va finir par rompre.

Madjasra Nako

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  • Analyse pertinente, malheureusement beaucoup ne conçoivent guère votre analyse qui reflète justement le drame tchadien. Mais au grand dame notre calvaire, beaucoup privilégient plutôt le dialogue par la force brutale . Alors que la brutalité crée la haine et la haine engendre la vengeance. Il est temps d’arrêter l’autodestruction de soi. Seul, le salut du Tchad passe nécessairement par un dialogue franc et inclusif de tous les fils et toutes les filles du pays.

    Commentaire par SEIDOU TRAORE le 22 septembre 2019 à 1 h 19 min
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