« IIs ont affirmé avoir agi au nom de leur communauté ethnique, en humiliant [Zouhoura] qui aurait tenu des propos désobligeants à l’encontre de leur communauté »

 

C’était une décision très attendue à N’Djamena. Jeudi 30 juin, la cour criminelle du Tchad a condamné sept jeunes hommes impliqués dans le viol collectif de Zara Mahamat Yosko, en février 2016, rapporte RFI. La plupart des prévenus ont été condamnés à dix ans de travaux forcés. L’adolescente de 16 ans, aussi prénommée Zouhoura, avait été séquestrée pendant plusieurs jours et violée. Son histoire avait ému tout le pays et provoqué des manifestations.

 

C’est sur le chemin de son lycée, à N’Djamena, que la jeune Zouhoura avait été enlevée, le 8 février, par des jeunes, dont des lycéens. « Ils étaient cinq dans une voiture. Trois sont descendus et ils ont tapé ma copine », avait-elle confié au Monde quelques jours après les faits. « Puis ils m’ont frappée, mise dans leur voiture et emmenée dans un endroit inconnu, une petite maison où deux autres garçons les ont rejoints en moto. Ils m’ont déshabillée, frappée. Ils ont pris des photos, filmé. Ils n’ont donné aucune raison. Ils ont juste dit que je ne les saluais pas à l’école. »

 

Après sa libération, la jeune fille, menacée, est sommée de se taire. Encouragée par sa famille, elle se décide pourtant à dénoncer les faits à la police. Des images de son calvaire commencent alors à circuler sur les réseaux sociaux. La plupart de ses agresseurs appartiennent à la bonne société tchadienne. Deux sont des fils de généraux, un autre est fils de ministre. C’est l’indignation contre les agissements de la « jeunesse dorée » qui pousse dans les rues des femmes, des jeunes, une semaine après l’enlèvement. Un lycéen est tué par les forces de l’ordre. Devant l’ampleur de la mobilisation, des pressions poussent la jeune fille à faire une déclaration à la télévision publique où elle affirme n’avoir pas été violée et demande aux manifestants de ne pas sortir. On soupçonne une tentative de manipulation, qui se confirme lorsque Zouhoura publie une seconde vidéo, où elle salue l’élan de solidarité et dénonce son viol.

Justice expéditive.

 

Le père de la victime est candidat d’un petit parti d’opposition à la présidentielle, prévue en avril. Son oncle, Mahamat Brahim Ali, est réfugié politique en France. L’affaire menace de prendre un tour politique/ Au point que le président Idriss Déby sort de son silence et s’exprime sur les réseaux sociaux. « C’est en père de famille scandalisé que je réagis pour la première fois sur Facebook pour exprimer  toute mon indignation suite à cet acte ignoble et innommable que des délinquants ont fait subir à la jeune Zouhoura, écrit le chef de l’Etat tchadien, le 15 février. Je condamne fermement cet acte et rassure toutes les filles, toutes les mères, tous les jeunes, bref tous les Tchadiens, que justice sera rendue et que plus jamais cela ne se répétera. »

 

La justice annonce huit arrestations en deux jours. Le procès du 30 juin aura duré moins d’une journée. Six des prévenus, qui avaient reconnu les faits devant les enquêteurs, sont revenus sur leurs aveux, selon l’agence de presse Xinhua. « IIs ont affirmé avoir agi au nom de leur communauté ethnique, en humiliant [Zouhoura] qui aurait tenu des propos désobligeants à l’encontre de leur communauté », rapporte l’agence chinoise. Cette justice expéditive cache mal des zones d’ombre. La jeune fille, qui est réfugiée en France depuis quatre mois, n’a pas assisté au procès et ses avocats ont refusé de se rendre à l’audience. L’un des accusés, présenté comme le chef de bande, s’est évadé de prison le 13 juin. Il a été condamné par contumace et se trouve sous le coup d’un mandat d’arrêt.


En savoir plus sur

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/07/01/tchad-dix-ans-de-prison-pour-les-violeurs-de-zouhoura_4961928_3212.html#MG7Ye74TY9agLVP3.99

 

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